C’est à une levée de bouclier que l’on assiste depuis quelques semaines au niveau de la justice togolaise. Déjà très décriée par le citoyen pour son fonctionnement, elle risque de perdre ce qui reste de son indépendance. Au centre des préoccupations, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et sa présidence. Jusque-là présidé par le président de la Cour suprême, une loi organique querellée cherche à faire présider cet organe par le président de la République. Une situation qui consacrera une quasi absence de constitution au Togo selon le juge Henry Ognan Dogo.
Tout est parti d’un avis émis par la Cour constitutionnelle le 18 mars 2020 en réponse à une saisine du président de la Cour suprême au sujet d’un projet visant à donner la Présidence du CSM au Chef de l’Etat.
Une loi organique, à tout le moins inopportune, suscite des interrogations de plusieurs membres du pouvoir judiciaire. Réagissant sur le sujet, Henry Ognan Dogo, magistrat du ministère public et porte-parole de l’Union Syndicale des Magistrats du Togo (USYMAT) dézingue l’avis donné par Aboudou Assouma.
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Le jeune magistrat voit dans la position prise par le président de la Cour constitutionnelle, une tentative d’inféodation du pouvoir judiciaire par le pouvoir exécutif. En effet, la volonté des initiateurs de ce projet est de confier la présidence du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) au chef de l’Etat, ravissant ainsi cette attribution au président de la Cour suprême.
Dans une tribune titrée : « Togo : l’indépendance de la justice à l’épreuve du juge constitutionnel », Henry Ognan Dogo note que l’avis de la cour constitutionnelle est une sérieuse menace à l’indépendance de la justice.
Le magistrat estime que l’avis de la Cour constitutionnelle est non authentique et que cette interprétation constitutionnelle n’a aucune portée juridique.
L’avis critiqué de la Cour constitutionnelle exerçait à titre préventif un contrôle de constitutionnalité de la loi organique en élaboration portant organisation, composition, attributions et fonctionnement du CSM. Elle devait dire si oui ou non le chef de l’Etat, patron de l’exécutif, peut présider ou pas le CSM.
C’est sans compter avec la position d’Aboudou Assouma, qui a démontré de quoi il était capable il y a quelques jours. Sa « cour » n’a pas hésité à dire oui mettant ainsi en difficulté l’indépendance de la justice. Pour Henry Dogo, il s’agit d’« un véritable recul démocratique séculaire. ».
« En réalité, en ce XXIème siècle la présence de personnalités politiques issues des autres pouvoirs au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature ne devrait pas se justifier dans un régime démocratique.», argumente le magistrat.
Plus loin, M. Dogo affirme : « Placer le pouvoir judiciaire sous le joug du pouvoir exécutif équivaudrait à la neutralisation du principe de la séparation des pouvoirs et à une absence de constitution ».
Pour finir, le magistrat invite les sages de la Cour constitutionnelle à mettre la fonction consultative « à l’abri du poids de l’instrumentalisation et du militantisme politique, qui le détourne certainement de son but d’intérêt général au profit des dérives partisanes ».
Les partisans d’un pouvoir judiciaire géré par le chef du pouvoir exécutif vont-ils réussir à asséner le coup de grâce à ce qu’il reste de l’indépendance de la justice togolaise ? La question reste posée.
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